Centre d'Etudes Himalayennes
UPR 299
     
 
 
Axes de recherche
> Territoires et Reseaux
> Normes, Valeurs et Usages
> Champs Religieux Complexes

Appartenances, territoires et changements

- Transformations économiques, sociales et culturelles dans la vallée de Katmandou - Gérard TOFFIN
- Gestion des ressources naturelles, territoires et gouvernances dans le Téraï népalais - Olivia AUBRIOT
- Mobilités et territoire des Népalais - Tristan BRUSLE
- Le territoire comme espace d'identité et d'appartenance : l'exemple des "bergers de Kharnak" (Ladakh oriental) - Pascale DOLLFUS
- Recompositions territoriales, mobilité des populations et réorganisations sociales en Himalaya - Joëlle SMADJA
- The Politics of Belonging in the Himalayas - Gérard TOFFIN
- Bouddhisme tantrique et société en Amdo : vicissitudes d’une grande tradition tibétaine - Nicolas SILHE
- Anthropologie du bouddhisme : état des lieux et approche comparative - Nicolas SILHE
- Changement climatique - Olivia AUBRIOT et Joëlle SMADJA

 

Transformations économiques, sociales et culturelles dans la vallée de Katmandou

Gérard TOFFIN

De 1970 à 2008, la vallée de Katmandou, centre politique, économique et culturel du royaume himalayen, s'est considérablement transformée. La population a quadruplé, passant de 500.000 à plus de deux millions de personnes. L'accroissement démographique résulte principalement de l'arrivée de migrants népalais venus des collines et d'une main d'ouvre indienne à la recherche de travail. Cette explosion démographique n'a fait que s'accentuer depuis 2000-2001, avec l'arrivée de populations paysannes des collines népalaises, fuyant les zones de combat entre forces de sécurité gouvernementales et guérilleros maoïstes. Dans le même temps, la vallée de Katmandou, s'est largement ouverte vers l'extérieur, sa population s'est occidentalisée, de graves problèmes de pollution atmosphérique sont apparus du fait de l'augmentation de la circulation automobile, le prix des terrains a explosé, enrichissant soudainement la vieille population rurale néwar détentrice du sol, etc. Une étude particulière est menée sur les bidonvilles implantés le long des deux rivières Bagmati et Vishnumati (municipalité de Katmandou).


Territoire et mobilité des populations

Gestion des ressources naturelles, territoires et gouvernances dans le Téraï népalais

Olivia AUBRIOT

Le Teraï népalais, peu peuplé jusqu'en 1950, accueille aujourd'hui plus de 50% de la population du pays sur 17% du territoire national. Une forte proportion de cette population provient des montagnes, les migrations s'effectuant dans un déplacement globalement Nord-Sud. Le téraï fut une zone pionnière, il en a perdu le caractère, et dorénavant un lieu de fortes pressions sur les ressources naturelles du fait d'une augmentation fulgurante de la population rurale, aux origines diverses. Deux terrains de référence ont été choisis pour travailler sur l'évolution des pratiques de gestion de l'eau et d'évolution de l'agriculture dans cette région qui a subi d'impressionnants changements sociaux et environnementaux.  L'un des terrains, dans le centre du Népal, fait suite au travail de doctorat, ayant suivi des migrants originaires du village étudié. L'interrogation principale concerne la façon dont ces montagnards se sont adaptés à la plaine dans leur gestion des ressources et l'organisation de leur territoire. Ont-ils conservé le système de distribution de l'eau sophistiqué et la forte organisation collective qui caractérisaient leurs modes de gestion de l'eau en montagne ? Ont-ils transféré leurs connaissances dans le milieu de plaine ? Quelles ont été les modalités d'adaptation ? Par ailleurs, comment s'inscrivent-ils dans cet espace de plaine et comment s'approprient-ils le territoire, comment s'organise la gestion des ressources collectives ? Le deuxième terrain est situé dans la région de la Koshi, à l'est du Térai, et s'intègre principalement dans le projet Paprika (cf. "changements climatiques et leurs impacts sur les populations"). Les transformations environnementales induites par les nombreuses migrations, les politiques de développement et la croissance démographique sont également étudiées pour leur impact sur la gestion de l'eau.
Ce projet s'inscrit dans le thème général des constructions sociales autour de l'eau, à travers des réflexions sur :

- les savoirs sur l'eau : diffusion lors de migrations des montagnes vers la plaine ; relation entre savoirs et pouvoir ; évolution (des savoirs et des acteurs détenteurs de ce(s) savoir(s)) avec les nouvelles techniques d'accès ou d'appropriation de l'eau ; construction sociale de ces savoirs.
- l'organisation sociale et spatiale dans cette zone récemment peuplée de façon dense avec une diversité de populations ; évolution de l'agriculture selon les populations, si elles sont originaires de la plaine ou des montagnes ; stratégies d'adaptation aux fortes pressions sur les ressources naturelles (foncier, eau, bois).
- la justice spatiale et sociale d'accès à l'eau, en quoi sont-elles liées et quelles sont les interactions ?
- « eaux, territoire et gouvernance », ou comment la gestion des ressources naturelles se territorialise et les implications pour leur gouvernance.


Mobilités et territoires des Népalais

Tristan BRUSLE

Qu'ils soient temporaires ou définitifs, les mouvements de population au Népal font partie intégrante de l'histoire démographique du pays. De migrations paysannes de proximité vers l'Inde, elles sont aujourd'hui devenues des migrations de travail vers des destinations lointaines, signe de l'intégration du Népal dans le marché mondial de la main-d'ouvre.

Au Népal, la migration de travail participe du fonctionnement des systèmes ruraux. Elle est une ressource pour les exploitations agricoles. De façon contrainte ou volontaire, les Népalais en Inde suivent des logiques migratoires (de survie ou d'accumulation) qui correspondent à des logiques de lieux. Les migrants choisissent leurs destinations en fonction des opportunités de travail qu'ils y trouvent et de l'articulation possible avec les travaux agricoles au Népal. Leur insertion en Inde est conditionnée par l'exploitation de niches ethniques basées sur leur excellente réputation. Ils sont portefaix en Uttarakhand et gardiens de nuit à New Delhi. À force d'aller et venir, les migrants élaborent une hiérarchie des lieux fréquentés ou simplement connus, qui peut influencer en retour leur itinéraire migratoire. Cette circulation élargit le monde des migrants. Ils construisent des territoires migratoires, dont les formes sont variables en fonction de leur projet. Plus la migration permet une forte accumulation (achat de terre au Népal, éducation des enfants), plus l'investissement dans le lieu de migration est important. Mais de l'appropriation à l'identification, le pas n'est pas toujours franchi. La territorialisation de l'espace étranger, même si elle est réelle, n'est pas le gage d'une nouvelle strate identitaire. Le passage d'une identité de paysan à une identité de travailleur n'est effectué que par un nombre restreint de migrants. Le village de naissance reste pour la grande majorité le lieu d'appartenance primordial. (cf. « Aller et venir pour survivre ou s'enrichir. Circulations de travail, logiques migratoires et construction du monde des Népalais en Inde » thèse, 2006)

Les recherches se poursuivent sur les migrations internationales de travail et sur la constitution de la diaspora népalaise. Une première période de terrain à Doha (Qatar) a permis d'aborder la situation de la communauté népalaise dans sa diversité, des petits entrepreneurs aux ouvriers logeant dans des camps de travailleurs. En lien avec l'étude de ces mouvements de population temporaires, l'étude de la diaspora népalaise constitue un autre projet en cours. Elle porte entre autres - dans le cadre du projet ANR sur le Nord-Est indien (voir supra) -, sur les communautés indiennes d'origine népalaise installées en Assam, partagées entre assimilation et revendications identitaires.

Le territoire comme espace d'identité et d'appartenance : l'exemple des "bergers de Kharnak" (Ladakh oriental)

Pascale Dollfus

Photo : P. Dollfus

Au Ladakh, le territoire occupe une place centrale dans la construction de l'identité et les modalités de désignation des groupes. Les ethnonymes sont construits sur des toponymes auxquels on ajoute le suffixe - pa qui signifie l'appartenance. Pour se définir comme pour désigner l'Autre, la localisation géographique s'impose.

Les Kharnakpa (mKhar nag pa), "Ceux du Fort Noir", vivent à plus de 4200 m d'altitude sur les hautes plaines balayées par le vent qui couvrent le sud-est du Ladakh. Ils n'occupent pas des déserts infertiles, mais des terres où, grâce à de rares précipitations, pousse une végétation spontanée permettant de nourrir chèvres, moutons, et yaks. Plusieurs fois par an, le groupe tout entier se déplace à la suite de ses troupeaux observant un calendrier précis et des itinéraires tracés par la tradition qui le conduit, saison après saison, dans les mêmes lieux. Nomadisme ne signifie pas errance, et ces "bergers", comme ils se définissent, ne sont pas des "hommes de nulle part" marchant au gré de leur fantaisie, ils s'inscrivent dans un territoire, voire une multiplicité de territoires, qui s'emboîtent ou se recoupent :
- le territoire intime de la tente et de la maison, son double en pierre
- le territoire habité des campements
- le territoire exploité comprenant les zones de pâtures, mais aussi les lieux de cueillette, les terrains de chasse ou les terres agricoles semées d'orge
- le territoire parcouru des migrations saisonnières et, autrefois, des caravanes se prolongeant vers des lieux qui lui sont extérieurs
- le territoire revendiqué par la communauté comme son "pays" (yul) : un espace ouvert aux frontières mouvantes et floues pour autant qu'elles ne sont pas contestées, organisé autour du monastère et des montagnes-palais des divinités locales

Cette petite société pastorale n'est pas immuable. Elle vit et se transforme. Depuis 1993, elle a ainsi perdu plus de 80% de sa population, attirés par la ville, ses services et ses promesses d'emploi. Les migrants produisent de nouveaux territoires sur les terres où ils s'établissent, alors que dans un même temps leur territoire d'origine se modifie.

Les recherches les plus récentes portent sur les stratégies que ces "descendus" (tels qu'ils se désignent) mettent en place pour survivre dans un environnement totalement différent de celui qui les a vu naître et dont ils n'ont pas la maîtrise. En bref, comment ces hommes et ces femmes pour lesquels l'élevage pastoral était à la fois un système de production, un mode de vie, une activité économique, un statut social et une forme d'expression culturelle s'adaptent-ils à la ville et ses contraintes. Comment s'approprient-ils l'espace qui leur est imparti pour en faire leur territoire, ce lieu du groupe où, selon les termes de J. Bonnemaison, "s'enracinent les valeurs et se conforte l'identité".

Recompositions territoriales, mobilité des populations et réorganisations sociales en Himalaya

Joëlle Smadja

Cet axe de recherche mis en place en 2005 fédère une part des travaux réalisés par plusieurs chercheurs dans le laboratoire (dont ceux portant sur le territoire et présentés ci-dessus).

Depuis une trentaine d'années, une nouvelle géographie se dessine en Himalaya, les territoires sont recomposés à différentes échelles. Nos récents travaux nous conduisent à esquisser le schéma de ces recompositions, présenté ci-dessous, sur lequel les recherches en cours et à venir sont fondées.

Dans ce programme, il s'agit de considérer les formes de découpage, de particularisation et d'appropriation de l'espace, soit des territoires à la fois administratifs, culturels et symboliques dans leurs dimensions historiques, politiques et identitaires. On s'intéresse aux processus de territorialisation en se demandant comment les populations s'identifient aujourd'hui à des lieux et y nouent des liens à travers de nouvelles formes d'expression.

L'originalité de l'actuel processus de recomposition territoriale en Himalaya ne tient pas tant à une réorganisation des espaces, laquelle n'a jamais cessé au long des siècles, en fonction des changements culturels, politiques, économiques et sociaux, qu'aux modalités de ces changements, à leur rapidité et à leurs implications, à l'emboîtement des différentes échelles auxquelles ils se produisent. Ils conduisent à une grande complexité territoriale où se combine une multitude d'appartenances et d'acteurs.

Nous examinons comment, sur des territoires administratifs et politiques plus ou moins fixés, de l'État à la circonscription villageoise, s'emboîtent ou se surimposent de nouveaux territoires, des flux, des réseaux qui relient les individus au reste du monde. Réseaux qui, pour certains, peuvent être anciens (ceux du religieux, du commerce, des migrations), mais qui ont pu changer, évoluer et prendre de nouvelles formes que nous tenterons de cerner.

Nous nous interrogeons sur les spécificités de la chaîne himalayenne par rapport aux autres régions du monde.

- À l'échelle de la chaîne, les aires protégées (ou les barrages) se multiplient et conduisent à des déplacements importants de population. Les aires protégées constituent de réelles enclaves au sein des États ; les paysans himalayens en sont souvent exclus ou doivent se plier à des réglementations issues de législations inspirées par des instances internationales. Ces enclaves appartiennent à un " patrimoine mondial de l'humanité " et, paradoxalement, sont reliées au monde par l'intermédiaire des touristes qui en sont les citoyens emblématiques, représentants d'une société des loisirs, plutôt urbaine, occidentale ou occidentalisée. Dans des régions où les frontières étatiques sont « ouvertes » (entre l'Inde et le Népal ou le Bengladesh notamment), ces nouveaux espaces ont des limites strictes, parfois contrôlées par l'armée. Ces aires protégées ont une organisation spécifique et une terminologie qui leur est propre. Outre les termes qui servent à les définir : parcs nationaux, aires de conservations, réserves, . elles ont établi de nouvelles hiérarchies spatiales portant des dénominations particulières : les « zones tampons », les « zones centrales », les « corridors ». Ces unités recouvrent, recoupent ou encore neutralisent les espaces utilisés par les paysans ainsi que les unités administratives étatiques. Quant aux aires protégées transfrontalières, elles sont une autre illustration de la nouvelle donne territoriale introduite par les politiques environnementales.

Ces nouveaux espaces, délimités, requalifiés, peuvent-ils être considérés comme des territoires ? S'ils sont fonctionnels d'un point de vue administratif, s'ils sont parés de tous les attributs des territoires (emblèmes, sigles, drapeaux, logos .), est-ce que les populations  se les approprient réellement ? Nous nous intéressons, entre autres, à ces signes, à la terminologie utilisée, au vocabulaire qui leur est associé.

Nous étudions aussi les espaces assignés à/ou revendiqués par des groupes spécifiques, à l'exclusion de tout autre, et qui ont leur propre réglementation. C'était déjà le cas, en Assam, des plantations de thé et des " Tea Tribes ", c'est aujourd'hui celui des territoires Rabha dans les " forest villages " ou des terres Karbi dans les Karbi Anglong, des terres Khasi dans le Meghalaya et des territoires autonomes revendiqués par différentes communautés. Nombreux sont aujourd'hui les groupes à vouloir s'approprier des terres et y planter leur drapeau, à l'heure où les processus de mondialisation abolissent les frontières. Nous nous penchons sur le fait que, de plus en plus fréquemment, les nouvelles revendications identitaires ont un enracinement territorial.

- À l'échelle des communautés villageoises, on s'intéresse à deux grands types de recompositions territoriales : celles qui se produisent dans l'Himalaya Central (népalais et indien) d'une part, et celles advenant aux confins occidentaux et orientaux de l'Himalaya indien d'autre part.

. Dans l'Himalaya central, les populations sont très majoritairement sédentaires et avec le cadastrage des terres (récent au Népal), tous les espaces sont désormais clairement répertoriés. Au cours des dernières décennies, la croissance démographique, la scolarisation, l'ouverture sur le monde, les problèmes politiques (au Népal, l'insurrection maoïste), mais également les mesures de protection de la nature évoquées précédemment, la construction de barrages et en règle générale la situation économique ont conduit à une émigration importante ayant pour conséquence un manque de main d'ouvre pour les travaux agricoles et une recomposition des territoires villageois. Les activités agricoles sont désormais regroupées autour de l'exploitation (remembrement des terres, plantations d'arbres et installation de réservoirs d'eau à proximité des fermes, suppression de la vaine pâture et généralisation de la stabulation entravée), permettant une réduction du temps d'accès aux ressources. Ainsi, dans ces régions, les mobilités de courte distance (trajet pour accéder aux ressources sur un versant ou transhumances) se réduisent, voire disparaissent, tandis que se multiplient les migrations à longue distance, souvent internationales. Les espaces utilisés par les populations s'en trouvent redéfinis.

. Dans les confins occidentaux et orientaux de la chaîne, où les populations sont plus mobiles, où les terres ne sont pas toujours cadastrées (en Arunachal Pradesh par exemple), la tendance est à la sédentarisation et à la fixation des terres.

- C'est le cas dans l'extrême ouest où, par exemple, les derniers éleveurs nomades du Ladakh vendent leurs troupeaux et s'établissent à la périphérie de Leh, chef-lieu du district, changeant radicalement de modes de vie et de production.

- C'est aussi le cas dans le Nord-Est indien où milieux et populations sont mobiles à des degrés divers. Des séismes importants ont modifié l'implantation de l'habitat au cours des siècles passés (disparition de villages, déplacement de villes .) ; chaque année, les crues du Brahmapoutre conduisent à des réorganisations spatiales. L'errance, d'un îlot de ce large fleuve à l'autre, de peuples en quête de terre à cultiver, et l'agrandissement du périmètre des parcs afin de protéger une faune et une flore rares et menacées sont à l'origine de tensions, de conflits territoriaux, ici exacerbés, présents dans l'ensemble de la chaîne. Dans les collines où domine la culture itinérante sur brûlis, les projets visant à l'abandon de cette pratique au profit d'une sédentarisation des populations et d'une mise en terrasses des versants conduisent également à une redéfinition des territoires. On examine dans ces régions les liens entre les instances villageoises traditionnelles ( village councils ) et les nouvelles instances administratives.

Dans toute la chaîne, les réfugiés, les migrants, temporaires ou permanents, produisent de nouveaux territoires sur les terres où ils arrivent dans les campagnes ou dans les villes, dans les montagnes ou dans les plaines, alors que leur territoire d'origine, dans un même temps se modifie. Comment se fait cette territorialisation, quelle est la part des héritages, des permanences et des innovations dans ces recréations, qu'est-ce qui est mémorisé et pérennisé ?... Quelle part de l'identité de ces migrants est conservée dans leurs nouveaux territoires ?

Quelle que soit l'échelle envisagée, des groupements ou des comités d'utilisateurs (Forest User Groups par exemple), des associations, des ONG, souvent en relation avec des institutions internationales, mais aussi des réseaux religieux anciens ou nouveaux, ont des champs d'action qui s'articulent, se surimposent, recoupent ou englobent les territoires administratifs. Nous nous demandons comment les groupes sociaux s'approprient les territoires ; quels sont les lieux ou les liens qui s'affaiblissent ; quels sont, quand de nouveaux territoires se créent, ceux qui perdent de leur pertinence, qui disparaissent ? Comment peuvent se définir ces nouveaux territoires qui sont pour les uns tissés par des individus aux appartenances multiples et pour les autres par des collectifs, des communautés recherchant une même et unique appartenance ? Comment ces deux types coexistent-ils ?

À l'aide de quelques exemples détaillés, nous étudions la recomposition des territoires à l'échelle de la chaîne comme à celle des bourgs et des villages, ses moteurs et ses conséquences sur les sociétés. Nous tentons de démêler la part des politiques et des discours tenus à l'échelle nationale et internationale dans les prises de décision à l'échelle locale et de montrer les tensions qui s'expriment entre ces différentes échelles. Ces transformations territoriales sont corrélatives d'une réorganisation des sociétés rurales qui reposent moins que dans le passé sur l'agriculture ; nous en examinons les effets.

Dans le cadre de ce programme, nous avons organisé des journées d'étude internationales «Territorial changes and territorial restructurings in the Himalayas » (Villejuif, 17-19 décembre 2007)

The Politics of Belonging in the Himalayas

Coordonné par Gérard TOFFIN en collaboration avec Joanna Pfaff-Czarnecka (université de Bielefeld) et David Gellner (université d'Oxford).

Programme collectif financé de 2007 à 2009, pour une série de trois colloques, par la DRI du CNRS, la Fondation MSH, la German Research Foundation, le DFG, l'European Link, l'université de Bielefeld et la British Academy.

Avec ce programme a été mis sur pied un réseau de chercheurs européens spécialistes de l'Himalaya. Il s'agit de dépasser la thématique quelque peu désuète des identités collectives et d'introduire un nouvel outil conceptuel dans les recherches himalayennes : celui d'« appartenance » (ou « attachement »). Les responsables du programme font l'hypothèse que cette notion est pertinente pour l'analyse des liens sociaux traditionnels et les changements qu'ils ont subi au cours de l'histoire ou qu'ils traversent dans la période contemporaine. Le premier colloque scientifique, « Democracy, Citizenship, and Belonging in the Himalayas » s'est tenu à l'India International Centre de New Delhi les 19-21 mars 2007 en présence d'une soixantaine de chercheurs, dont 19 invités communicants. La réunion fut un succès qui a permis de vérifier la validité de l'hypothèse de départ. La conférence a suscité tout particulièrement l'intérêt des chercheurs et universitaires indiens présents. De nouveaux développements sont prévus (cf. travaux en cours et projets, infra).

Ce programme a été conçu en langue anglaise, c'est pourquoi il ne sera pas ici traduit.

Présentation plus complète du programme.

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Bouddhisme tantrique et société en Amdo : vicissitudes d’une grande tradition tibétaine

Nicolas SIHLE

Ce projet, engagé depuis 2003, est centré sur les communautés de tantristes (spécialistes non monastiques de rituels tantriques, bouddhistes ou bönpo) du Repkong, en Amdo (nord-est tibétain / province chinoise du Qinghai), dans leur contexte religieux, social, politique et historique plus large. Le district du Repkong (avec une population tibétaine de l’ordre de 90.000 personnes), situé presque à l’extrémité nord-est du monde tibétain, est réputé à travers le nord-est tibétain pour ses tantristes nombreux et puissants, connus collectivement sous le nom de « la collectivité de tantristes (ngakmang) du Repkong, les 1900 porteurs de dague rituelle ». Ceux-ci, en comptant les bouddhistes nyingmapa majoritaires et la grosse minorité bönpo, sont peut-être en tout de l’ordre de 2000 au Repkong, soit entre 5 et 10% de la population adulte masculine, regroupés dans des communautés villageoises, parfois en de fortes concentrations.

Ce projet a pour directions d’étude principales :
            – la place de rituel collectifs de très grande ampleur, entre autres dans la constitution de collectivités supra-locales et la négociation d'identités, ainsi qu’en rapport avec une certaine « culture des grands nombres » qui occupe une place importante dans la religiosité du bouddhisme tibétain ;
            – les vicissitudes du religieux, et notamment du rituel, dans le contexte des transformations qu'ont connues les univers moraux, intellectuels, sociaux et politiques de l'Amdo depuis la période de Mao.

 

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Anthropologie du bouddhisme : état des lieux et approche comparative

Nicolas SIHLE

Ce projet, en large partie collectif, consiste en une extension, animée d’une exigence fortement comparative, de mon travail sur le bouddhisme tibétain, et de celui d’un ensemble de collègues travaillant sur le bouddhisme, à l’échelle des sociétés du bouddhisme à travers l’Asie. Il s’inscrit dans un contexte intellectuel plus large marqué par l’émergence de préoccupations semblables en matière de développement d’une véritable anthropologie comparative du christianisme (on pense ici notamment au travail de Joel Robbins) ou de l’islam, pour ne citer que les deux cas les plus exemplaires. Un premier jalon de ce projet a été posé avec l’organisation d’un grand panel (“Paths Taken and Not Taken in the Anthropology of Buddhism: Assessment of the Field and Current Directions of Research”), avec dix présentateurs et deux discutants, lors du 106e meeting annuel de l’American Anthropological Association, en décembre 2007.

                       

L’objectif est de reprendre (individuellement et collectivement) de grandes questions de l’anthropologie du bouddhisme et de réfléchir aux évolutions contemporaines : la question de la structure et des dynamiques du champ religieux dans son ensemble, mais aussi la structure interne du domaine des idées, des pratiques et des institutions bouddhiques ; les relations entre les constructions théologiques et la religion “pratique”, vécue ; les relations entre cette religion, souvent pensée comme associée au rejet du monde, et l’ordre social et politique, la nation, et parfois la violence ethno-nationaliste ; les transformations profondes et la redéfinition partielle de nombreuses traditions bouddhiques qui sont survenues, depuis la fin du XIXe siècle, suite à la rencontre avec des projets occidentaux (et autres) de modernité ; les conversions et phénomènes transnationaux, etc.            

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Changement climatique : quelles conséquences à l’échelle villageoise au Népal ? Quelles sont les variations identifiées par les populations et les mesures prises en conséquence ?

Olivia AUBRIOT et Joëlle SMADJA

Participants français : J. Smadja (DR) coresponsable des terrains en montagne
Etudiants : T. Duplan (Agro ParisTech, M2); P. Buchheit (Agro ParisTech, M1); O. Puschiasis (doctorante, Paris-X Nanterre); J. Grimaldi (Agro ParisTech, M1); M. Hugonnet (Agro ParisTech, M1).
Collaborateurs népalais: N. Khanal (Université de Tribhuvan) et ses étudiants ; A. Dixit (NWCF : Nepal Water Conservation Foundation)

Il s’agit de l’un des 6 axes du programme ANR PAPRIKA (CryosPheric responses to Anthropogenic PRessures in the HIndu Kush-Himalaya regions: impact on water resources and society's adaptation in Nepal). Ce programme pluridisciplinaire réunit de 2010 à 2013 glaciologues, hydrologues, chimistes de l'atmosphère, modélisateurs, géographes et vise à analyser les répercussions du changement climatique sur l'évolution des glaciers et du couvert neigeux, sur la disponibilité en eau et sur l'utilisation des ressources en eau par les populations.
Le secteur étudié se trouve dans l'Est du Népal en aval de l’Everest. Il a été choisi afin de bénéficier des mesures menées depuis 1990 à la station scientifique EvK2 (à 5050 mètres d’altitude) située au pied de ce massif. Pour cet axe, quatre terrains d’étude ont été sélectionnés le long de la Dudh Khosi, affluent de la Khosi, un terrain dans chacune des principales unités géographiques — haute montagne, moyenne montagne, basse montagne et plaine du Teraï — qui se caractérisent par des traits climatiques, mais aussi et surtout par des origines de l’eau (glacier, neige, pluie, etc.) et des disponibilités de la ressource différentes. Nous tentons de mettre en valeur dans chacune des unités étudiées et en fonction des saisons, les origines de l’eau et ses modes de restitution ainsi que les activités et pratiques dépendant de cette ressource qui seraient susceptibles d’être concernées par des variations climatiques : calendriers des cultures et des conduites dans les pâturages, variétés plantées, eau à destination des touristes dans la partie supérieure, alimentation en eau à usage domestique, alimentation en eau potable, énergie hydrique (moulins à eau) et hydro-électrique etc. Nous analysons la façon dont différentes catégories de population conçoivent la ressource en eau, en sont dépendantes pour leur activité économique et perçoivent d’éventuels changements, et les mesures qu’elles prennent en conséquence (de l’introduction de nouveaux rituels à la mise en place de nouvelles organisations sociales, l’introduction de nouvelles variétés cultivées, etc.).

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