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Séminaire CEH - 7 mars 2018

dans le cadre de l’atelier Systèmes normatifs et conflits de valeurs, Barbara Berardi-Tadié (associée CEH) "La double contrainte : paradoxes des droits humains au Népal"

 
 
 
Horaire : 15h00 - 17h00
Salle de la Rotonde, Bâtiment C,
Campus CNRS, 7, rue Guy Môquet, Villejuif
 

A ceux d’entre vous qui n’êtes pas du campus CNRS de Villejuif : prière de noter qu’il vous faudra laisser une carte d’identité à l’entrée (plan Vigipirate).
 
 

La double contrainte :
paradoxes des droits humains au Népal

 

L’affirmation de la culture internationale des droits humains peut être considérée comme un des phénomènes majeurs de l’histoire récente du Népal. Elle a eu un impact multidimensionnel tant sur les dispositifs normatifs que sur les systèmes de valeurs. De fait, la culture des droits a transformé non seulement le cadre juridique et constitutionnel du pays, mais aussi l’expression de l’éthique, de l’identité et de la « tradition » : en un mot, la formulation des valeurs (morales) collectives.

Or, cette affirmation résulte aussi d’un processus de vernacularisation complexe, que groupes, individus et activistes ont mis en place afin d’adapter la « culture » globale des droits aux différents contextes locaux ou, d’un autre point de vue, de reformuler les valeurs morales et éthiques préexistantes dans les termes du langage des droits.

Une analyse de ce processus de vernacularisation du discours international sur les droits humains au Népal révèle les économies morales que ces droits mobilisent et recomposent. En même temps, elle fait aussi ressortir les frictions entre ces différentes économies morales, ainsi que les contradictions engendrées par l’adoption de la culture des droits dans le cadre népalais.

Je voudrais donner trois exemples de ces doubles contraintes.

Le premier concerne la revendication des droits de genre menée par un type spécifique d’associations de femmes, que l’on trouve au micro-niveau territorial : les collectifs de mères (ama samuha). J’essaierai de montrer en particulier comment certaines caractéristiques propres à la « culture des droits » (en premier lieu sa dimension individualiste) se heurtent aux économies morales de genre propres à ces femmes, traditionnellement construites autour d’une dimension relationnelle de l’identité féminine. Ce n’est qu’au prix d’une négociation investissant les notions éthiques de service social, d’honneur et de devoir que ces collectifs de femmes parviennent à intégrer, du moins partiellement, le discours sur les droits dans le cadre de l’économie de genre qui leur est propre.

Le deuxième exemple, qui intéresse les groupes dalit, montre comment les stratégies globales de lutte contre la discrimination encouragées par les activistes dalit, centrées sur le discours international sur les droits humains, peuvent se trouver aux antipodes de celles développées localement par ces groupes. Il en résulte des conflits interpersonnels et communautaires autour de plusieurs questions : quelle est la forme « juste » et légitime de lutte contre la discrimination ? Qui détient l’autorité de l’imposer aux autres ?

Le troisième exemple se situe à l’intersection entre la formalisation juridique des droits et leur exercice effectif : il s’agit plus spécifiquement d’explorer l’écart entre l’obtention du droit à la propriété ancestrale pour les femmes, que les activistes ont obtenu au bout de 25 ans de luttes juridiques et sociales, et sa jouissance réelle aujourd’hui. Cet exemple permet en particulier de comprendre pourquoi de nombreuses femmes renoncent à ces droits, à cause des conflits affectifs et intra-familiaux que leur revendication déclencherait.

Ces exemples permettent de cerner les différentes dimensions du paradoxe de la culture des droits, dont le pouvoir peut être à la fois émancipateur et contraignant.